Chaque année durant la 3e semaine d’octobre, les YWCA du monde s’unissent pour promouvoir et revendiquer un monde sans violence. En 2023, c’est du 17 au 22 octobre que nous soulignons la Semaine sans violence. Et, pour l’occasion, nous nous entretenons avec Annie Métivier Hudon de chez Accès transports viables. Elle nous parle des projets Femmes et mobilité et Harcèlement de rue.
Pouvez-vous nous présenter le projet Femmes et mobilité?
Femmes et mobilité est né il y a 3 ans, après les constats qu’avait fait le Ministère des transports et de la Mobilité durable du Québec selon lesquels la mobilité était inégale entre les genres notamment et qu’il y avait un déficit de mobilité chez les femmes. Femmes et mobilité est porté par Accès transport viables et le Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ) dont les objectifs sont d’explorer ce déficit et de lutter contre, donc de redonner le pouvoir de la mobilité aux femmes à travers différents types d’activités de sensibilisation et de plaidoyer.
Parlez-nous de l’origine et des objectifs du projet Harcèlement de rue?
Durant les premières années de Femmes et mobilité, il y a eu du travail de collecte de données, de l’exploration, on voulait vraiment savoir qu’est-ce qui faisait en sorte que les femmes se déplaçaient moins ou différemment. L’un des constats était que, l’un des principaux freins à la mobilité chez les femmes était la peur du harcèlement de rue, la peur des violences urbaines, le sentiment d’insécurité. Donc, Femmes et mobilité et Accès transports viables ont décidé de lancer un projet spécifiquement sur le harcèlement de rue dont les objectifs sont d’explorer les manières dont le harcèlement de rue prend forme à Québec et d’explorer comment celà influence la mobilité des personnes qui en sont victimes dans une perspective intersectionnelle. On sait par exemple que les personnes racisées, les personnes en situation de handicap et les adolescentes sont particulièrement touchées par le harcèlement de rue. Un autre objectif était d’effectuer un plaidoyer et de la sensibilisation pour faire mieux comprendre le phénomène du harcèlement de rue et engager des changements systémiques même au niveau de l’aménagement car on sait que l’aménagement a une influence au niveau du sentiment de sécurité.
Qu’est-ce qu’on entend par harcèlement de rue?
Nous on utilise beaucoup la définition du Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal. Ces femmes-là ont déjà fait 3 études sur le harcèlement de rue à Montréal, on s’inspire beaucoup d’elles. Elles ont défini le harcèlement de rue comme une forme de violence commise par un ou une inconnu.e sous la forme de propos ou de comportements à la fois intrusifs, dégradants et non-sollicités et ce dans un lieu public. Une personne inconnue ne fait pas partie de notre cercle proche, que ce soit un cercle familial, scolaire ou professionnel, comme par exemple des connaissances, des voisins, des amis d’amis d’amis. Et le lieu public va référer à tout lieu qui n’est pas dans un espace privé chez une personne connue. Donc par exemple la rue, les parcs, les musées, les restos, les boutiques, les transports en commun. On sait qu’il y a beaucoup de cas de harcèlement de rue qui ont lieu dans les transports en commun, ce sont des lieux où il y a souvent beaucoup de proximité, où il y a une grande quantité de personnes ce qui amène un certain anonymat aussi.
Quelles sont les prochaines étapes du projet?
Nous avons plusieurs modes de collectes de données. Nous allons tenir une dizaine de groupes de discussion avec des groupes cibles. Cela va nous permettre d’interroger des personnes racisées, des jeunes femmes, des femmes en situation de handicap, des personnes de la diversité de genre, des femmes lesbiennes ou bisexuelles, des femmes aînées, entre autres.
Notre premier groupe de discussion réunira des femmes cyclistes. On sait qu’à Québec il y a un certain imaginaire anti-cycliste notamment avec le discours de certaines radios et on sait que lorsqu’il y a un discours anti-cycliste qui est mêlé à un discours misogyne cela amène des comportements qui sont plus dangereux de la part des automobilistes envers des cyclistes et on voulait créer un groupe de discussion avec des femmes cyclistes pour recueillir leurs témoignages. Cette activité aura lieu ce samedi 21 octobre, juste avant notre tournée cyclo féministe Sorcières à vélo à laquelle on invite les personnes de tous les genres à se déguiser en sorcière et à faire une balade à vélo pour se réaproprier la rue grâce au pouvoir de la sorcellerie donc tout ça sera ludique en même temps.
Un autre mode de collecte de données qu’on commence tout bientôt, c’est les marches exploratoires. Nous avons sélectionné 9 quartiers/zones à Québec dans lesquels ont veut tenir des marches exploratoires pour identifier les enjeux de sentiment d’insécurité. Parce qu’on sait que le sentiment de sécurité en lien avec les violences urbaines est beaucoup influencé par les aménagements urbains donc quand on parle par exemple d’éclairage évidemment cela influence le sentiment de sécurité parce qu’il va y avoir ou pas de la co-visibilité. La présence ou non d’échappatoires aussi. Le sentiment d’insécurité est plus élevé quand on n’a pas la possibilité de fuir. Les aménagements peuvent amener un sentiment de co-veillance. Par exemple, l’idée d’avoir des yeux sur la rue, des fenêtres de commerces ou de résidences, des terrasses, va amener un sentiment de co-veillance. On va marcher dans les quartiers St-Sauveur, St-Roch, Limoilou, St-Jean-Baptiste, Ste-Foy sur le Campus de l’Université Laval et dans quelques terminus d’autobus. L’objectif est d’identifier les lieux qui génèrent de l’insécurité et aussi les lieux qui génèrent de la sécurité pour pouvoir mieux comprendre ce qui entraîne un sentiment d’insécurité ou de sécurité.
D’autres modes de collecte de données vont également s’organiser au courant des prochains mois : une carte interactive où il sera possible de géolocaliser les épisodes de harcèlement de rue qui ont été vécus avec des descriptions, un sondage et un questionnaire en ligne.
Nous invitons la population de la grande région de Québec à participer en grand nombre à nos activités de collecte de données. Ce sont les gens qui détiennent les informations, leur contribution à ce vaste projet est précieux. Ces événements sont aussi des occasions de discuter de nos expériences, cela permet de solidariser et de s’empuissancer.
Après l’étape de collecte, il y aura un temps pour l’analyse des données recueillies. Ensuite, à l’automne 2024 et à l’hiver 2025 nous allons faire des plaidoyer et de la sensibilisation auprès des instances politiques, des personnes en charge de l’aménagement du territoire et le grand public. Il y aura une série d’événements pour diffuser les résultats. Le projet se terminera en mars 2025.
Le projet Harcèlement de rue est piloté par Femmes et mobilité, en partenariat avec plusieurs intervenants dont la YWCA Québec.
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Pour remplir le questionnaire en ligne sur l’expérience du harcèlement de rue, suivez ce lien.