L’image qu’on se fait de l’itinérance est, encore aujourd’hui, bien souvent représentée par un clochard qui dort ou quête dans la rue, les parcs, les entrées d’immeubles et autres endroits publics. Les femmes représentent un faible pourcentage de ce type d’errance.
L’itinérance des femmes est moins visible que celle des hommes. En effet, la majorité des femmes ne vivent pas dans la rue. Elles cachent leur situation d’itinérance en utilisant un large éventail de stratégies, basées sur la débrouillardise et la créativité : elles vont d’une ressource communautaire à une autre, elles passent la nuit dans un restaurant ouvert 24 heures, elles trouvent un lit temporaire dans un sous-sol d’église ou dans des immeubles abandonnés, vivent dans leur voiture ou encore, acceptent d’être hébergées par un homme en échange de faveurs sexuelles. La violence et les préjugés sont au cœur du quotidien de ces femmes pour qui les réseaux se fragilisent ou deviennent toxiques.
À mon arrivée à la YWCA Québec en 2011, nous avions 36 chambres et devions refuser l’hébergement à environ 300 femmes par année par manque de place. Du 1er août 2018 au 31 juillet 2019, malgré le fait que nous avons maintenant 60 chambres, c’est 2180 femmes qui se sont vu refuser une place à l’hébergement de la Y. C’est 726% d’augmentation en 8 ans.
Lorsque l’on regarde les autres ressources pour femmes à Québec et à Montréal, on constate le même phénomène ; les ressources en hébergement ne suffisent pas à la demande.
Qui sont ces femmes ?
Les femmes que nous hébergeons à la YWCA Québec, ce sont des femmes de tous âges, d’origines ethniques et d’orientations sexuelles différentes, des femmes handicapées, des mères de famille, des femmes aux prises avec des problèmes de santé physique ou mentale et/ou de dépendance. Les profils sont multiples, mais toutes ont vu leur vie basculée, n’ont pas de réseau de soutien adéquat et ont pour la grande majorité vécu de la violence.
… C’est vous, c’est moi, c’est votre voisine, votre collègue, votre amie… Il est difficile de demander de l’aide lorsqu’on a perdu l’espoir d’une vie meilleure.
Comme société, il est temps de se questionner sur les facteurs qui créent autant d’exclusion sociale année après année. La situation est inacceptable. Il faut agir ! Aucune femme en difficulté ne devrait être laissée à elle-même…
Stéphanie Lampron
Directrice des programmes sociaux
YWCA Québec